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Pascal Craveri - Auteur BD

Je suis auteur de BD, illustrateur et portraitiste. Edité chez MORRIGANE éditions sur 4 romans jeunesse. Auteur également de la série BD en 3 tomes "SUIS LE FLEUVE" chez YIL édition. Depuis 2010 je dessine mon fils tous les mois! :)

Le Coût d'une journée - Chapitre 3 : Le droit de souffler _ 11

Publié le 19 Mai 2024 par Pascal Craveri

Éric éteint l’écran de l’ordinateur puis désactive la prise de courant suite aux recommandations de sa sœur qui est déjà partie au royaume de Morphée.

Éric reste un moment immobile dans le noir absolu du salon écoutant les bruits de la nuit. Il a juste à mettre ses chaussures et son blouson pour s’éclipser silencieusement. À quelques mètres de là, se trouve La Manche. Ses flots bats en mesure poussés par un vent marin dont les embruns frappent le visage d’Éric.

Soudain au loin, un éclair, puis deux.

Éric ne bronche pas et déploie ses bras. Il attend de l’inattendu. Il ne reçoit qu’une pluie vive et brève.

« Tant pis », dit-il déçu.

Après cet échange avec Dieu, le sommeil lui vint très rapidement.

Au matin, sa sœur et son neveu ont déjà terminé de manger. Lucie lui demande comment s’est terminé le film d'hier. Éric s'applique à lui faire un résumé détaillé.

Il pleut abondamment.

Cette ambiance accompagne parfaitement son écoute de l’album Big Science de Laurie Anderson. Lucie profite que son fils ne soit pas présent pour essayer d’en savoir un peu plus sur la vie de son petit-frère et les raisons de ce long silence radio de plusieurs années. Éric noie très facilement le poisson en lui promettant qu’il viendra avec Lucas la prochaine fois.

Laissant sa sœur à sa jubilation, il peut enfin plonger dans la lecture de son recueil de nouvelles fantastique Le Temps Mort.

Il ferme les yeux.

Le silence l'habite…

En s’apprêtant à manger, sa sœur et lui découvrent aux nouvelles qu'un attentat terroriste est survenu dans un collège perpétué par un jeune fiché S. Bilan : un professeur mort et trois agents du personnel gravement blessés.

« Le fait que ces événements se soient produits un vendredi 13 me semble comme un fait exprès », pointe alors Éric tandis que Lucie débarrasse les couverts.

Cette ambiance anxiogène pousse celle-ci à proposer une balade à son frère. Il fait beau maintenant. Dieu a fini de pleurer sur ses ouailles.

La mer s’étant calmée, ils se dirigent en voiture vers le village d’Urnacque. Mais le temps passe et Lucie doit vite rentrer pour reprendre le travail… Elle dépose donc son frère au plus proche du bord de mer pour qu’il puisse en profiter.

Une longue marche retour l'attend.

Sur la plage le vent pousse Éric et, telle une procession, oscillent de fins grains de sable mimant les mouvements du serpent. Sans aucun obstacle autour de lui, la "créature du Seigneur" marche les yeux fermés, sans contraintes.

La mer retirée, il n’a pas besoin de suivre un quelconque sentier et en profite pour longer le littoral. À certains endroits, ses chaussures s'enfoncent dangereusement dans le sable. Il marche prudemment sur des rochers d'ardoise habillés d'algues.

« Comment les hommes et les femmes des temps anciens ont réussi à apprivoiser ces lieux ? » s'interroge-t-il.

Il s’immobilise et regarde aux alentours : il est le seul spectateur de ses éructations et de ses flatulences. Même s’il avait souhaité qu’un public assiste à ce concert olfactif, il n'aurait eu qu'une salle vide : Le public en question étant bien trop occupé à faire son footing !

Éric a des scrupules à marcher sur des rochers constellés de petits escargots de mer.

Au loin une femme rappelle ses chiens qui couraient dangereusement vers lui portant les doux patronymes de
"Nesquik" et"Creeper". En corrélation aux faciès dentelés de ces gentilles petites bêtes lui vient à l'esprit le clip

Windowlicker d’Aphex Twin.

Aphex Twin… Encore lui… Éric aimerait s'enrichir d'autres références…

Pour éviter le mur d'eau qui lui barre le chemin, il s'avance tout droit vers la mer. Il s'arrête pour regarder les vagues. Le vent soufflant dans son dos semble l'inviter à les écouter. Le soleil est aussi à l'invite. C’est bien, Éric est en grand manque de vitamine D.

L'amoncellement d'algues plus que glissantes lui interdisant toute possibilité de progression, l'oblige à quitter la plage et prendre le sentier qui la borde.

Sur sa route, il contourne les douves d'un terrain militaire. Une dame promenant son chien avec son mari fait la remarque de n'avoir jamais vu lesdits militaires. L'unique pont enjambant les douves porte l'insolite nom de "Paper". Plus loin, une jeune femme fait déféquer sur l'herbe son chat tigré tenu en laisse.

Ne voulant pas revenir les mains vides, Éric fait un crochet vers la boulangerie "Petit Jean". Mais il repart bredouille car il n'y a plus de Dolce en vente (il voulait offrir ce dessert à son neveu).

Complètement trempé de sueur, Éric va directement pren­dre une douche. Se baladant nu et n'ayant plus de t-shirts propres, sa sœur lui en prête un qui reste de son compagnon. Le peu de pudeur de son frère perturbe grandement Lucie qui se réfugie rapidement dans sa cuisine.

Toujours aussi nu, Éric appelle son fils pour prendre des nouvelles. Au bout d'un certain temps celui-ci lui demande à quelle heure il pense rentrer ; Éric balaye la question en lui disant que cela sera à "une certaine heure".

Une heure passe.

Pendant que Lucie s'occupe de préparer une tarte et qu’Éric coupe et râpe des carottes pour le repas du soir, retentit soudainement la sonnerie stridente de la porte d'entrée. Ce sont des "Témoins de Jéhovah" qui appliquent à la lettre leur speech habituel blindé de bondieuseries sirupeuses. Lucie, avec tact et gentillesse, leur fait comprendre qu'elle n'a pas eu besoin d'eux pour travailler sur sa spiritualité.

Finissant de couper et de râper sa dernière carotte, Éric laissa un moment vagabonder son imagination se demandant — par exemple — quelle saveur pouvait avoir la conviction religieuse de cette engeance face au fil de sa lame. Malheureusement on ne trouvait ce genre de personne qu’au pas de sa porte et il n’est pas conseillé de rapporter du travail chez soi !

Devant les derniers épisodes de Lupin, Vincent déguste la tarte aux épinards, saumon, fêta (mélangé avec un œuf et un peu de lait) de sa mère avec la salade et les carottes finement râpées de son oncle.

Tous trois restent interdits devant la fin alambiquée de cette dernière saison.

Fort déçu, ils quittent la scène :

Lucie va dans sa salle de bain, Vincent part dans sa chambre et Éric s'enferme aux toilettes.

Rideau.

 

Coût de cette journée : Pas de Témoins de Jéhovah au repas.