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Pascal Craveri - Auteur BD

Je suis auteur de BD, illustrateur et portraitiste. Edité chez MORRIGANE éditions sur 4 romans jeunesse. Auteur également de la série BD en 3 tomes "SUIS LE FLEUVE" chez YIL édition. Depuis 2010 je dessine mon fils tous les mois! :)

Le Coût d'une journée - Chapitre 3 : Le droit de souffler _ 6

Publié le 14 Mai 2024 par Pascal Craveri

C'est à 5h du matin qu'une voix d'homme perça la nuit suivi, toute frêle, de celle de la mère du protagoniste. Il identifia cette phrase :

 

« Bonne journée. »

 

Il en conclut que sa mère a dû appuyer par erreur sur son collier d'appel d'urgence.

Il ne lui reste que des bribes de ce qu’il a dû rêver cette nuit, juste le sentiment que sa famille cachait un secret honteux derrière une maison aux portes closes. En effet…

Cinquante minutes passent... Des spasmes musculaires et des aigreurs d'estomac dû au plat d'hier l’empêchent de se rendormir. Il repense à son geste maladroit au restaurant quand, en essayant d'extirper la tranche d'orange de son Spritz Breton, celui-ci tomba pile dans le verre de Porto de sa mère. Éric rumine. Il se comporte toujours comme un enfant maladroit face à elle.

Éric regarde l’obscurité. Les trois premières nouvelles de René Belletto lui avaient permis de préparer son sommeil hier soir. Logiquement, dans quatre heures, il doit partir avec sa sœur Lucie pour la Normandie. Éric ferme les yeux et écoute les bruits de la nuit.

Lucie tousse. Elle dort dans l'ancienne chambre de son père, couchée sur un matelas à terre. Quant à Éric, sa mère lui a cédé sa chambre tandis qu'elle dort sur le canapé du salon. Ce privilège qu’elle lui a accordé ne lui permet pas d’apprécier la fermeté de son lit. Être mieux lotis ne signifie pas mieux dormir.

Éric ne pensait pas qu'un noir aussi intense pouvait tant reposer les yeux. Il avait perdu l’habitude. Il dort depuis plusieurs années avec les lumières de la nuit. Son fils suit tout autant ses pas.

Le sommeil ne vient toujours pas. À 7h il décide de se lever et dans le couloir il croise sa mère déjà bien apprêtée. Elle lui confirme ce qu’il soupçonnait : son coussin est tombé sur son récepteur d'appel d'urgence. Du salon, malgré qu’il parle distinctement, sa mère (qui est juste à côté dans la cuisine) ne perçoit pas sa voix. Le silence matinal est de courte durée car elle allume rapidement sa télé. Lucie se lève à leur suite et le rituel du matin peut commencer.

Il faut combler le temps qui reste avant le départ en Normandie. Lucie entame une conversation lambda avec son frère. Éric apprécie qu’elle ne cherche pas à en savoir plus sur ses activités. Elle lui propose une crème déodorant faite maison dont elle lui donnera plus tard la recette. Cela peut toujours être utile pour effacer sa présence en milieu hostile.

 À la télé, après les dessins animés de TF1, la mère de notre protagoniste zappe sur les émissions religieuses de France 2.

Il reste encore du temps. Lucie propose une petite promenade qui leur permettra de rendre une nouvelle fois hommage à leur père et de saluer Myriam et son mari. Marchant sur l’asphalte encore vierge de tout passage de véhicule, Éric adopte la cadence de sa mère et de sa sœur. Celle-ci enserre brièvement sa mère dans ses bras. Éric, lui, reste en retrait. Un petit chien aboie. C’est l’heure de partir.

Sur la route, ils écoutent France Inter. L’émission culinaire "On va déguster" parle de la daurade royale et de la dorade (en précisant bien la différence orthographique.) Lucie propose de faire une halte à une aire d’autoroute pour prendre un cappuccino (3,10 €.) Éric retarde le départ à cause d'un faux mouvement sur son épaule droite qui lui provoque une crampe.

Des exercices d’assouplissement s’imposent à son arrivée en Normandie. Il doit garder une parfaite condition pour les jours à venir. Les occasions seront nombreuses pour fuir la maison de sa sœur. Il doit en profiter !

Le conflit actuel Israélo-palestinien (insondable) étant d’actualité, Lucie et Éric s’en accaparent pour meubler la conversation.

Les longues routes vallonnées sont les premiers signes de leur arrivée imminente au lieu-dit où habite le compagnon de Lucie, première étape de son séjour. L’impressionnant chien blanc "Alka" les accueillent joyeusement suivi du maître de maison Paul et de leur fils Vincent. Éric sent au loin l’huile de friture et le piquant des aromates révélant ce que le poulet allait leur offrir pour le dîner.

Il fait 28°C. Éric se change derrière la voiture de sa sœur pour se mettre en short. Se prélassant sur un transat, il entend en sourdine Lucie et Paul sermonner leur fils sur le fait qu'il ne se soit pas encore lavé.

Détendu, il note pour rappel dans sa mémoire que ce n'était pas de chèvres dont il avait rêvé chez Myriam mais de moutons. La signification est toute aussi hasardeuse.

Le peu de détente qui lui était alloué lui est enlevé lorsqu’il intercepte une mouche d’un geste vif de la main gauche avant qu’elle ne vienne prendre domicile dans une de ses narines. Il prend l’initiative de faire la vaisselle, prenant soin de bien éliminer toute trace de nourriture sur les rainures des couteaux.

Lucie l’invite à aller voir la mer.

Sur la plage de la commune attenante au lieu-dit nous marchons pieds nus sur une mer calme et fraîche. Alka est libre de ses mouvements et Éric fait en sorte d’éviter que le molosse lui fonce dessus. C’est en faisant un mouvement d’évitement de toute beauté qu’il appelle par inadvertance son fils sur son portable. Il en profite pour lui faire une vue à 360° du paysage.

Sur le chemin du retour, ils croisent deux jeunes moutons. Coïncidence ?

Des amis de Paul s'invitent en apportant deux grosses courgettes et deux butternuts. Leurs deux jeunes enfants jouent joyeusement avec Alka tandis que Vincent tarde à se préparer pour le départ.

Bien qu’étant ensemble, Paul et Lucie ont leur propre lieu de villégiature. C’est ainsi qu’Éric, Lucie et son fils quittent le lieu-dit en laissant Paul seul avec son chien.

À Cherbourg, Vincent sort prestement de la Kangoo de sa mère pour partir improviser sur son piano. À défaut de les aider à décharger la voiture, Éric et Lucie peuvent profiter de sa virtuosité.

Le repas du soir est simple et c’est pour cette raison que, pour Éric, il est bien venu (croque-monsieur et mâche avec comme boisson du Pulco pétillant).

The Walking Dead tourne sur l'ordinateur de Lucie et laisse un bruit de fond qui se marie harmonieusement à l’ambiance chaleureuse d’une fin de repas. Vincent ne peut s’empêcher de poser des questions à Éric sur l’intrigue. Il rate, d’ailleurs, la mort d’un personnage principal.

C’est ballot.

 

Coût de cette journée : 3,10 € et un mort (fictif).