« Pourrais-je fuir demain ? Ce n’est pas sûr… »
C’est sur cette pensée qu’Éric se réveille ce matin. Le silence l’entoure. Il n’est pas habitué.
Lucie est déjà partie pour déposer son fils au collège.
Éric s'habille avec son ancien pantalon de travail et le sweat que Myriam lui a donné. Il aère la maison quand il reçoit un message de sa sœur : elle est allée acheter du pain, chercher le linge de son fils et bois en ce moment un café avec sa belle-mère.
La table du petit déjeuner est bien plus achalandée que chez lui et Éric en profite pour prendre un café noir et du pain grillé qu’il tartine de beurre et de confiture de mûres.
Notre protagoniste entend la porte d'entrée s'ouvrir quand il descend les escaliers, fraîchement lavé et habillé. Lucie l’invite rapidement à s’assoir sur son canapé (rouge pourpre avec des gros coussins bleus foncés à motifs dorés). C’est studieusement qu’ils commencent à planifier leur journée avant le retour de Vincent à la fin de la journée.
En premier lieu, il faut que Lucie aille choisir de nouvelles lunettes chez son opticien. En effet, elle a eu quelques difficultés à bien évaluer les distances (Éric a eu quelques frayeurs sur la route la veille).
« Pourquoi ne pas commencer par s’oxygéner près des centrales nucléaires ? » Éric a toujours apprécié l’humour particulier de sa sœur.
Dans une boulangerie, ils optent pour un menu à 6,50 € chacun (sandwichs poulet curry, tartelettes aux fruits, Paris-Brest et pour finir deux Oasis tropicaux).
Les voilà sur une petite aire de repos à Herque pour manger face à la mer.
En reprenant la voiture pour trouver un chemin de randonnée, ils longent le centre de retraitement des déchets nucléaires de La Hague. Sur la pointe du village d’Auder est érigé un monument aux morts :
AUX MORTS DU VENDÉMIAIRE
8 JUIN 1912
PRIEZ POUR EUX
Ce monument a été érigé en souvenir des marins
décédés lors du naufrage du sous-marin VENDÉMIAIRE.
Le VENDÉMIAIRE, sous-marin de la série
des PLUVIÔSE, fut abordé par le cuirassé
SAINT-LOUIS et coula, entraînant avec
les 24 membres de son équipage.
Il repose par 53 mètres de fond entre
l'île d'AURIGNY et le cap de la HAGUE.
Lucie à la bonne idée d’indiquer l’office de tourisme à proximité pour que son frère puisse s’acheter un titre de transport et être autonome lors de son séjour (10 €).
Éric scrute le paysage identifiant les plaines irriguées propices pour se débarrasser d’un corps. Il y a du potentiel pense-t-il, mais qui serait assez stupide pour se balader ici la nuit ? S’il y a un drame, il ne serait de toute façon pas dû à un tiers, mais à la seule bêtise du promeneur. Cela serait que pure perte d’énergie.
Éric et Lucie décident de suivre le Sentier des Douaniers vers la Pointe de la Loge, mais ils rebroussent chemin rapidement après s’être égarés en suivant le sentier de la Baie
d'Ecalgrain. Quelques mûres sauvages salvatrices les aident à poursuivre de plus belle. Une vache normande meugle au point de faire cracher ses mûres à Lucie. Éric démarre la conversation. La vache, réceptive, défèque à la fin de son monologue. Lucie éclate de rire.
Ils arrivent à une des pointes de La Hague dite du Nez Bayard.
Tout en évitant quelques branches épineuses, Lucie demande à son frère un résumé complet de la série The Walking Dead ; elle n'a pas spécialement envie de continuer l'aventure.
Une anse les invite à enlever leurs chaussures pour y tremper leurs pieds. Un gravelot à proximité fouille le sable en cherchant quelques nourritures.
Le relief accidenté impose à leur marche un rythme qui se veut étudier : la tête baissée, les bras tendus, ils évitent ainsi les galets et pierres glissantes, le sable gorgé d’eau et les flaques à la profondeur hasardeuse. Plus loin devant lui, Lucie s’arrête pour nettoyer ses chaussures ; en plus de quelques feuillages, des marguerites sont ses victimes collatérales. Tiens ! Le générique suranné des Faucheurs de Marguerite joue une partition impromptue dans la tête d’Éric.
Il est plus que temps de rebrousser chemin, d’ailleurs Lucie constate qu’ils ont dépassé la destination qu’ils s’étaient fixés. Ils posent pied un moment au Havre de Bombec pour souffler.
Sur la Laisse de Mer, un panneau indique qu'en avril les gravelots nichent en hauteur, ce qui suggère qu'une vigilance de tous les instants est demandée aux randonneurs car leurs œufs ressemblent à des galets. Éric imagine le spectacle que cela serait de voir autant de jaune d’œuf tapisser leur route. Un sentier d’or glissant et fatal !
Il est 18h quand ils retrouvent Vincent improvisant devant son piano.
Houmous, acras de morue, tomates, concombres, avocats et pain aux céréales composent leur plat de ce soir.
Lucie déplace l’écran de son ordinateur pour qu’ils puissent s’installer devant un bon film ou une série. La stature d’Omar Sy s’impose dans une incarnation tout en souplesse d’un Lupin moderne. Éric n’est pas convaincu.
Puis il est temps pour Vincent de se préparer pour aller se coucher ; il tarde comme à son habitude et sa mère reste avec lui dans sa chambre pour discuter.
C'est à ce moment-là qu’Éric quitte la scène pour s'allonger sur le Rocking-chair et continuer sa lecture des nouvelles de René Belletto.
La fuite sera pour demain, il s’en fait le serment.
Coût de cette journée : 16,50 € et une promesse.