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Pascal Craveri - Auteur BD

Je suis auteur de BD, illustrateur et portraitiste. Edité chez MORRIGANE éditions sur 4 romans jeunesse. Auteur également de la série BD en 3 tomes "SUIS LE FLEUVE" chez YIL édition. Depuis 2010 je dessine mon fils tous les mois! :)

Le Coût d'une journée - Chapitre 1 : Vingt-cinq jours d'arrêt _ 12

Publié le 21 Avril 2024 par Pascal Craveri in Le Coût d'une journée

Eric, allongé sur son lit, analyse la valeur de son sommeil, jaugeant le degré d’élancement de sa jambe gauche et les spasmes musculaires de son bras droit. Lucas, lui, sifflote dans son lit, il est 9h.

Sur Arte passe un documentaire sur les tigres de Sibérie. La matinée doit passer comme elle peut.

Regardant le film d’Arnaud Viard. Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part, Eric se revoit dans ces hôtels de province où, à l’affût, il attendait le bon moment pour passer à l’action. La mélancolie le gagne.

Une solitude voulue dans une chambre d’hôtel n’est pas la même qu’une solitude imposée. Son fils qui s’égosille bruyamment dans sa chambre complète ce sentiment.

Il se passe alors chez Eric comme un moment de blanc.

Il s’apprête, remplit un petit sac en toile et sort en silence.

En bas de son immeuble, des enfants en bas âge jouent avec des cailloux sous la surveillance d'une adulte à la responsabilité relative. Sur le trottoir, un jeune homme manque de le renverser avec sa trottinette. L'air est lourd et irrespirable, rempli d’éléments parasites. Il n'y a aucune possibilité, aucun recours possible, il est dans une impasse. Ce quartier s’est transformé en prison et son appartement est devenu une geôle.

Il doit fuir. Il sait comment.

Il y a un bâtiment délabré près du supermarché de son quartier. C’est un lieu privilégié pour obtenir toutes sortes de substances illicites. Malgré que les patrouilles de polices viennent régulièrement roder dans cette zone, il n’a jamais vu de réel changement dans les allées et venues des revendeurs.

Il aperçoit trois jeunes garçons qui traînent dans la cage d’escaliers. Eric sort alors une paire de lunettes noire couvrant l’ensemble de ses traits et enfonce une casquette de la même couleur n’affichant aucun attribut graphique.

« Oh ! L’ancien ! » lui lance celui qui est accoudé sur le rebord de la rambarde en ferraille couleur vert caca d’oie. Eric fait alors des signes complexes des mains signifiant à celui qui trône au milieu des escaliers qu’il souhaite obtenir une quantité de stupéfiant qui demande une entrevue personnalisée. Intimant froidement ses deux camarades de quitter les lieux, le "Boss" invite Eric à monter les escaliers et à s’installer dans son bureau improvisé. Un jeune à la chevelure abondamment bouclée releva les barricades qui bloquent  astucieusement la progression vers les étages supérieurs.

« Pas plus de monde pour garder leur trafic ? Cela sera facile alors. » releva Eric. Les codes habituels du vendeur et de l’acheteur étant respectés, le "Boss" s’avança vers un tuyau en hauteur où était planquée sa marchandise en quantité. Occupé à relever la pointe de ses pieds pour atteindre le tuyau, il n’eut pas le temps de réagir quand son corps fut plaqué sur le mur avec son bras gauche relevé et figé. Une main gauche gantée lui bloquait autant les narines que la bouche. Soudain, il sentit une douleur vive parcourir son entre-jambe. Quelque chose de liquide et poisseux commençait à imbiber son baggy. On aurait pu croire assister à une scène pornographique en apercevant ces deux corps dans une position si suave, les jambes écartées suggérant une pénétration souhaitée.

« Hum, c’était court. » releva Eric en retirant son stylo bille asséré de l’artère fémorale de sa victime. Maintenant il devait trouver une solution pour partir le plus discrètement possible de ce bâtiment. La configuration des lieux ne lui était pas inconnue : bien avant que ce bâtiment devienne un taudis, il avait eu l’occasion de le visiter pour s’y installer. Bien lui en a pris de ronger son frein !

Le "Boss", accolé au mur, était dans une position de supplication. La flaque de sang s’écoulait maintenant de manière harmonieuse : « J’aurai dû prendre une photo. » se dit Eric en pensant à la beauté manifeste de la scène.

Notre protagoniste est déjà en train de s’avancer vers son bâtiment. Rien ne parait dans son aspect, ni même dans sa démarche, qu’il a commis le plus froid des meurtres. Aller savoir comment il est arrivé à sortir de cette pièce sans que personne ne s’en aperçoive. Mais un professionnel ne donne pas forcément les clés de son talent !

« C’était une bonne fuite ! » haussa Eric des épaules. « Aïe ! » Hausser des épaules n’est peut-être pas une bonne idée en ce moment.

En allant dans sa cuisine, il voit que ses oignons sont en train de pourrir. Il sait maintenant d'où viennent les moucherons qui traînent un peu partout dans l’appartement.

Le regard vide, il passe la tête à la fenêtre de sa cuisine.

« Le petit bouclé était tentant aussi » songea-t-il, rêveur. En effet, la petite communauté de délinquants du quartier, maintenant échaudé, va étouffer cette affaire (c’est certain) et il est clair qu’il ne pourra pas réitérer l’expérience.

« Le quartier va être calme un moment » se félicita Eric. Au loin, son fils coupa ce moment de plénitude en braillant. Eric lui demande de se taire immédiatement. C'était une rare manifestation de colère de sa part envers son fils. Comprenant son état, Lucas lui propose d'aller jouer sur sa Switch à F Zero 99. Le résultat fut concluant.

 

Coût de cette journée : Un mort et une photo manquée.