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Eric ouvre les yeux à 7h du matin. Quatorze minutes plus tard, un peu d'eau fraîche sur son visage marque la première étape de son rituel.
C'est le dernier jour de son traitement au Xanax, déjà plus d'une semaine qu’il est en arrêt maladie.
La cause ?
À peine a-t-il eu le temps de poser le pied en sortant du tramway en direction de son travail qu’une chappe de plomb lui ait tombé sur l’échine. Accompagné habituellement de quelques collègues, il leur intima de prévenir la hierarchie de son absence immédiate. Pensant d’abord rentrer chez lui, c’est un quidam à l’aspect de sans domicile fixe qui, à l’intérieur du tram, lui conseilla d’aller directement aux urgences sans passer par la case "appel téléphonique".
Télécommande en main, Eric démarre directement sur les titres de France Info.
Médicaments, jus de pommes, café et part de marbré sont disposés sur sa table à la nappe verte délavée. Sur France Info passe en invité le Maire de sa ville en qualité d’ancien ministre.
Il fait mauvais ce matin.
Eric décide de regarder Divorce à l'italienne de Pietro Germi. Après avoir pris une douche et dans le silence de son appartement, il réajuste les lacets de ses baskets nouvellement achetées. Comme à l'accoutumée, il allume son ordinateur pour noter les films qu’il a vu ces derniers jours.
En allant consulter l’application de sa banque sur son portable, il constate que son salaire lui a été transféré. C’est un peu moins que d'habitude.
L’ennui lui fait souvent pratiquer un onanisme sans joie. Il s’applique malgré tout.
Il sort.
La rentrée de son fils se prépare. Les agents de la régie de transports en communs font le nécessaire pour remplacer les affichages des horaires de bus.
Remontant à pied la rue International en direction du centre-ville, Eric s’arrête chez un disquaire indépendant et s’achète le vinyle Peel Session 2 d’Aphex Twin pour 22 €. Le disquaire lui conseille de suivre sa page Facebook pour de plus amples informations sur la sortie des prochains titres de cet artiste. Il ne le fera pas.
Après un rapide passage dans un "Cash Converter" il part rendre visite au gérant d’une librairie d’occasion dont-il a su tisser des liens. Là il croise Pierrick, un habitué, qu’il n'avait pas vu depuis longtemps et qui finissait d’acheter un vinyle (Le libraire d’occasion vend des disques aussi). Il lui fit part de la rareté de sa présence et de préciser que « Ce qui est rare est cher ! » Ce que releva un autre client au prénom encore indéfini en précisant : « Comme La Loire » et d'entonner Le Loir et Cher de Michel Delpech…
« Tu es un comique troupier toi ! », dégaina Pierrick à son intention. Rideau.
Puis après quelques échanges sur la rentrée de leurs enfants respectifs, il le quitta non sans lui avoir dit qu’il était en convalescence. En remontant la rue, il se posa la question de la necessité de lui en avoir parlé… « Que pouvait-il répondre à cela ? » C’était sans intérêt. Une faiblesse à banir !
Le vertige le gagne. De la musique intrusive passe devant lui. Un homme file à toute allure sur une trottinette électrique trafiquée. Une forte odeur de cannabis lui passe sous le nez. Il s'asseoit face au restaurant "Le Venez-y".
Il reprend son souffle.
Une fois.
Trois fois.
Il lui faut du sucre.
Des sans domiciles fixes l'interpellent en lui demandant s’il se sent bien. Il les élude et essaye de rentrer dans une boulangerie, mais ressent un fort dégoût en regardant les patisseries. Pourquoi ?
Manger. Vite ! Il arrive devant la boulangerie "L'Atelier Magique" et s'attable en prenant un wrap aux gambas, une tartelette aux abricots et un Fuze Tea à la pêche pour 9,90 €. Il avale de suite un comprimé entier de Xanax.
Il revient en bus, restant en position debout malgré le vertige. En arrivant en bas de son immeuble il aperçoit un grand nombre de corbeaux planant au-dessus, volant et croassant.
Une odeur de brûlé plane dans les escaliers… Il soupçonne les enfants de ses voisins. Une action radicale s’impose.
De retour dans son conaps, Eric écoute son vinyle. Il connaissait déjà, il n’est pas déçu.
Puis il regarde Belle Époque de Fernando Trueba. C'est au moment où le film se termine que son fils arrive. Après un échange des plus virils, il demande à son père naturellement s’il va bien. Eric n’émet pas de réponse. Son fils n’insiste pas et enchaîne sur le fait qu'il ne peut plus profiter du Pokémon Go Plus qu'il s'est acheté… En cause une application sur son téléphone portable qui ne marche plus. « On va dire que tu as jeté 70 € à la poubelle » lui balance son père.
Apprêté dans sa cuisine, Eric prépare pour son fils des spaghettis avec un pané de poulet ; lui se contentera du reste de fougasse d’hier.
« Ah... Je me suis brûlé le majeur droit avec la poêle… Décidément… » Rapidement il se met de la Biafine, il ne ressent rien. L’habitude.
Tout en mangeant, son fils lui fait part de ses craintes sur l'éducation de sa demi-sœur accrochée à sa télé et à sa tablette. « Ah oui c’est vrai qu’il a une sœur… » écoute-t-il d’une oreille.
Son fils déjà occupé dans sa chambre sur sa console, Eric se réfugie devant le film Face à Face de Robert Manthoulis. Mais le refuge a la toiture fragile. Il perd rapidement le fil de l’intrigue… Mais s'ensuit deux nouveaux épisodes de /One Piece\ qui arrivent à le réveiller… Avant de le faire sombrer bien avant minuit.
Coût de cette journée : 31,90 € et 70 € à la poubelle.