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Notre protagoniste a peu de raisons de se lever en ce moment. Sa convalescence (on va dire) ne lui permet pas d’accomplir d’autres missions en parallèle à ses obligations. Après ces quelques jours de repos, il devra pourtant accomplir quelques tâches qui lui permettront de solder son compte.
Le rituel commence. Il regarde un documentaire sur l'évolution du streaming qui aurait mangé la musique. Et ceci et cela. Et bla bla bla.
Eric est nu. Il charge sa machine à laver en chantonnant Teardrop de Massive Attack. Il la lance et part prendre sa douche. Tout est mécanique. Il ne lui reste qu'un caleçon propre et troué à l'entre-jambe. Dans le vide de son appartement on ne perçoit que le bruit de la machine et les cris des enfants dans la cour de récré en bas de son bâtiment.
« Des excuses ? » Eric est amusé en découvrant le message contrit de son créditeur s’affichant sur son ordinateur portable — c'est un peu tard maintenant.
Il appelle sa mère en allumant le quatrième portable qui trône sur une de ses étagères. C’est sa Béa mensuel pour connaitre son état et pour lui donner de vagues nouvelles.
« J'ai l'impression d'avoir oublié de mettre de la lessive » se dit-il en reniflant son linge.
Son kiné travaille pratiquement seul aujourd'hui, ce qui explique le peu de personnes présentes dans la salle d'attente. Dirigeant la discussion sur une de ses patientes artistes travaillant à l'aquarelle sur des sujets aviaires, il l’informe que le traitement anti-inflammatoire de ce jour se nomme : Hématome. Tandis que celui habituel se nomme : Musculaire. « On en apprend tous les jours. » soupira Eric.
Sa carte de transport expirant bientôt, Eric décide d’aller en ville la recharger pour six mois supplémentaires
(22,80 €). Sur la place de La République se montent des chapiteaux qui accueilleront les auteurs et autrices d’un Salon du Livre obscure. Eric ne voulant pas s’attarder se dirige alors dans une librairie générale toute proche pour y acheter Shi 死 #6 : La Grande Puanteur de José Homs et Zidrou
(15,95 €).
En montant les marches de son bâtiment, il siffle l'air de Mutiny of the Bounty de Vangelis, jouant le thème oppressant au rythme des mouvements de son bras, clés en main.
Un onanisme décevant accompli et un fort désir de se sustenter, l’oblige à ressortir pour faire des courses. C’est jeudi et il fait beau. Le marché des Rocailles s'est déjà effacé. Le troisième mouvement de Incantations de Mike Oldfield accompagne son pas. À l'intérieur du supermarché, Eric a un mouvement de recul quand il croit voir face à lui un homme s'accroupissant pour baisser son bermuda. Celui-ci avait juste fait un geste suave au niveau de ses fesses — peu à propos dans ce genre d'endroit. Les courses sont faites (27,61 €) et, de retour chez lui, il constate que les deux ballons dégonflés qu’il avait aperçus près des poubelles ont déjà trouvés preneurs.
Il mange le taboulé au poulet rôti qu’il vient de s’acheter avec du jus de gingembre.
S’apprêtant à regarder le film Bird Box de Susanne Bier, Eric reçoit un appel de son fils lui demandant de venir signer des documents qu’il déposera lors de la réunion des parents d’élèves de ce soir. « Merde, j’avais oublié ! »
Dans le réfectoire du collège, placé devant tout le monde, Eric et Lucas (accompagné de sa mère), écoutaient le discours du principal ainsi que la présentation de l’équipe éducative. Derrière lui Eric pouvait entendre murmurer très fort certains professeurs.
Cet événement pénible passé, il abandonne très vite son fils à sa mère. Sur sa route, trois femmes, surveillant mutuellement leurs progénitures, rigolaient et plaisantaient dans leur langue maternelle. Au pas de leur immeuble, un de leurs enfants s’égayait à jouer avec une barre de fer tordue.
Il lui revient alors brusquement à la mémoire un épisode où Lucas fit preuve de gentillesse à son égard en lui apportant un verre d’eau glacé alors qu’il était en train de se reposer dans son lit. Mais au moment de tendre le bras pour prendre le verre, une terrible crampe parcoura sa jambe gauche avec fulgurance. Lucas, interdit, eu le réflexe de la masser. « Il ferait un partenaire d’exception s’il suivait ma voie…» s’émouva Eric.
« J’ai cru que tu allais perdre ta jambe » s’était justifié son fils.
Eric esquissa un sourire tout en regardant cet enfant soulever cette barre de fer se dirigeant — hardis et fier —, vers le groupe de femme.
Coût de cette journée : 66,36 €.