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Pascal Craveri - Auteur BD

Je suis auteur de BD, illustrateur et portraitiste. Edité chez MORRIGANE éditions sur 4 romans jeunesse. Auteur également de la série BD en 3 tomes "SUIS LE FLEUVE" chez YIL édition. Depuis 2010 je dessine mon fils tous les mois! :)

Le Coût d'une journée - Chapitre 1 : Vingt-cinq jours d'arrêt _ 9

Publié le 18 Avril 2024 par Pascal Craveri in Le Coût d'une journée

Notre protagoniste est accroché à son coussin en position fœtale, le regard au loin. Il est 7h30 quand, après avoir mis de l'eau sur son visage, il admire le galbe de son ventre dans la glace. Sa jambe gauche qui l’élance le sort douloureusement de cette phase narcissique.

La marche continue d’il y a deux jours dans les rues
d'Angers (en claquettes) en est forcément pour quelque chose.

Difficile alors d'imaginer dans quel état il aurait été s’il avait appliqué la marche forcée qu’il effectue habituellement comme purge à chaque fin de contrat. La dernière fois, il avait fait quarante et un kilomètres en onze heures et était revenu les chaussures défoncées et les pieds en sang.

Suivant le parcours matinal officiel qui l’amène généralement vers sa salle de bain, il s’arrête un instant pour vérifier le Coutelas qu’il a fait tremper dans un bain de cristaux de soude et autres recettes obscures. C’était sur un coup de tête qu’il décida la veille de restaurer ce vestige d’un de ses premiers contrats en dehors de la Métropole. La couleur ambrée résiduelle associée aux petites bulles attaquant la rouille était un spectacle des plus satisfaisants.

Le temps est à l'orage mais tant pis. Sans prendre de parapluie, il se dirige vers son supermarché de quartier. En bas de son immeuble, il s'oblige à enlever les cailloux que des imbéciles ont mis pour bloquer la porte d'entrée. Il fait enfin frais et le ciel est incroyable : « On dirait qu'une montagne nous écrase ! » Il prend une photo.

Entre les rayons du supermarché, un vieil homme ramasse une pièce de un centime. Une personne devant lui étale ses bouteilles de Riva et d'Orangina sur le tapis roulant de la caisse. Ses courses ne sont pas transcendantes (26,61 €) et, à la sortie, il n'échappe pas à la pluie. Au loin, le ciel gronde. Eric se presse avant que la grande saucée ne le rattrape.

Utilisant un réseau crypté, il saisit un message à l’adresse de son créditeur pour leur signifier le retard de sa fiche de paie. Le retour, dont il avait l’habitude de la froideur administrative, lui sembla encore plus glacial. Il craint (à juste titre) une réactivité de leur part des plus relatives.

Son appartement devenant un four, il ouvre les fenêtres malgré la pluie s’accoudant à celle de la chambre Lucas. En tournant la tête vers sa chambre qui jouxte celle de son fils, il trouve deux pigeons interdits. Ils le regardent, il les regarde. Il n’eut le temps que de lever les yeux au ciel pour que les volatiles prennent leur envol. Eric se permet d’esquisser un sourire.

Un morceau de camembert et une banane avalés, Eric s’octroie une expérience cinématographique avec ce film au titre intriguant : Suceurs de sang - Une comédie marxiste de vampires de Julian Radlmaier. Il en ressort, hélas, la bouche pâteuse après avoir dormi tout le long.

Pas de réponse de son créditeur.

Le soleil est revenu plus implacable que jamais.

Il regarde Les Cents et Une Nuits de Simon Cinéma d’Agnès Varda. L’expérience est pire.

Pas de réponse de son créditeur.

Dépité, Eric descend prendre l'air. En bas résonnent les voix de ses voisines. Un de leurs enfants en bas âge assis sur les escaliers regarde une vidéo sur un portable. Le supermarché faisant office de grand réfrigérateur, il s’y réfugie et s'achète deux pizzas au passage (4,81 €.)

Un peu partout sur son chemin traînent des déchets en tous genres : pistolet en plastique, feuilles de cours, débris de verres, nourriture diverses et variées, etc.

Eric est en nage. Il ouvre et referme son frigo espérant un appel d’air. Son tee-shirt lui sert à épongé le haut de son corps.

Pas de réponse de son créditeur.

Eric sort le Coutelas de son bain, la lame à besoin d’être retravaillée. Il hausse les épaules : « Bah, cela peut toujours servir d’ornement au-dessus de mon canapé. »

 

Coût de cette journée : 31,42 €.