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Pascal Craveri - Auteur BD

Je suis auteur de BD, illustrateur et portraitiste. Edité chez MORRIGANE éditions sur 4 romans jeunesse. Auteur également de la série BD en 3 tomes "SUIS LE FLEUVE" chez YIL édition. Depuis 2010 je dessine mon fils tous les mois! :)

Le Coût d'une journée - Chapitre 2 : Sans éclat _ 5

Publié le 26 Avril 2024 par Pascal Craveri

Eric débute cette journée par la lecture de Survivre à ses parents toxiques.

Dans moins de trois heures, il doit retrouver le praticien qui soulage son épaule. Précédemment il avait pu se préserver de douleurs supplémentaires en n’usant que de son bras gauche pour bloquer la respiration de sa victime. Son savoir-faire lui avait permis de ne pas trop solliciter son épaule droite en ciblant son attaque vers le bas.

Un simple et rapide mouvement du poignet.

Eric fait place nette sur son visage et sa tête. Il utilise pour la première fois le rasoir que lui a légué son père ; il sent la différence par rapport à un jetable.

Il ressent un peu de tension : l’onanisme s’impose. Le jet du pommeau de douche effacera toutes traces de son forfait.

Depuis plusieurs jours, il se passe en boucle Pancake
Lizard
d’Aphex Twin. Le côté mélancolique du titre est entêtant. Il le chantonne sur le chemin l’amenant vers son kiné.

Eric n’a pas envie de s'acheter à manger. Au retour, il se fait cuire un reste de paella surgelé. Tout cela manque d’apport en fruits… Il se fait la promesse de régler le problème dans les prochains jours.

Il se prépare un événement sportif sur la place des Rocailles. Les jeunes, regroupés en masse, sont tous identifiables. Voulant s’approprier un peu de l’aura de leurs idoles, certains ont créé un style vestimentaire qui s’apparente plus à un uniforme ! Cela va du choix de la marque de chaussure, à la position du vêtement de sport qui dévoile un peu de la raie des fesses de chacun. Pour Eric, il n’est pas difficile de deviner à qui appartient un groupe.

La paix ambiante est sûrement due à sa petite fuite des derniers jours. Il cherche du regard le petit bouclé. Il ne le voit pas.

La Poste, ancien point de deal de son quartier, qui a brûlé il y a quelques mois, ajoute un côté champêtre à cette scène.

L’attaque olfactive et sonore d'une passagère du tram éprouve la tolérance d’Eric.

S’arrêtant à mi-parcours pour reprendre son souffle, il est surpris de voir le récit autobiographique Esthétique des Brutes - Le Dernier Sergent |1 : Les guerres immobiles / Avril 1998 - 1er Avril 2000 de l’auteur de bandes dessinées Fabrice Neaud, en vitrine dans un Relay. Pour 34,95 € il se l’approprie.

C’est le jour de l’Audit.

À l’approche de l’Usine, Eric enfile le fameux polo bleu foncé que le Pourvoyeur leur a intimé de porter ce jour. Il se pose d’ailleurs la question de l’intérêt… Ils portent tous des blouses de protection contre le froid !

Da-A, un collègue, le rejoint dans sa marche. Il lui confie (« Je dois être d’une bonne écoute », commençait à se congratuler Eric) qu'il doit quitter l'Usine avant la fin de son contrat car sa femme (« Quelles mines d’informations ! ») a un problème vasculaire grave qui l’oblige à ne plus poursuivre cette activité : il doit prendre en charge ses enfants !

« Comment le Pourvoyeur a-t-il pu engager une baltringue pareille ? » Puis Eric se rappela de la brute dont il avait pris la fiche de poste la semaine dernière et qui n’était plus jamais revenu. Dans ce métier, la faiblesse est éliminatoire. Da-A devrait faire demi-tour et se faire oublier. Vite.

C’est à un poste des plus techniques qu’Eric se voit assigner aujourd’hui.

Les auditeurs apparurent à l’étage contemplant l’ensemble de l’atelier. Ils étaient cinq, accompagnés d’un responsable (au Code-nom s’apparentant étrangement à un vrai prénom) qui les guidait à chaque étape de production.

Ce qui connotait le plus, à part leurs tenues trois pièces parfaitement ajustées et leurs manteaux les protégeant du froid ambiant, étaient les casques noirs et blancs qu’ils portaient pour cacher leur identité.

Ils se trouvaient maintenant derrière l’étagère en fer qui faisait face à Eric, vide de tous ustensiles. Leurs têtes, positionnées à plusieurs niveaux selon leur taille, faisaient penser à des notes de musique.

Bougeant à loisir, les notes blanches et noires jouaient une étrange partition.

« Quelle suite vais-je jouer ? » se demanda Eric.

Une note blanche s’avança vers lui. De sa voix déformée elle lui demanda de lui décrire l’action qu’il s’apprêtait à effectuer :

« Tout d’abord il est essentiel d’être hermétiquement protégé pour cette action (Eric lève ses mains gantées :) Le mètre que vous voyez directement imprimé sur ma table, me permet de mesurer rapidement les intestins au centimètre près et de noter la mesure exacte sur notre logiciel dédié. L’appareil qui se trouve à mes côtés va conditionner le produit (Eric leur sort l’étiquette à code barre qu’il vient d’éditer :) comme indiqué dans votre cahier des charges (il l’accole sous leurs yeux et passe au produit suivant). »

Ne pouvant vérifier si sa prestation était satisfaisante, Eric se contenta du hochement simultané des cinq têtes.

Eric nota tout de même le malaise d’une des notes noires. Celle-ci prit à part Ena-l (étrange Code-nom non ?) dont le visage, au début avenant, se décomposa aussitôt.

Soudain une déflagration !

C’était Ph-ni, chargée de la découpe, qui n’avait pas identifié l’implant chirurgical qui faisait office de bassin…

Cet audit ne démarre pas sous de bons auspices.

 

Coût de cette journée : 34,95 € et des étincelles plein les yeux.